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Portrait de adminkok
Posté par adminkok le 18 février 2019

 Laurence Rameau, puéricultrice-formatrice et auteure d’ouvrages sur la petite enfance

 

La crèche n’est pas seulement un lieu d’accueil mais elle est aussi un espace d’apprentissage pour les petits. Le jeu en est le vecteur. 

 Venir à la crèche est une chance pour les enfants

 

L’une des missions des crèches est aujourd’hui de présenter une valeur éducative favorable à tous les enfants. C’est une chance pour chaque enfant de venir à la crèche, non pas pour combler un manque éducatif parental éventuel, mais parce que la crèche peut lui offrir un environnement affectif, émotionnel, cognitif différent de celui qu’il connait avec ses parents. 

Ainsi, la crèche représente pour les enfants une ouverture plus grande en termes d’apprentissages, comme s’ils étaient bilingues de leurs environnements. Et donc si l’environnement « crèche » est différent de l’environnement « maison », cela n’est pas une difficulté, bien au contraire. De la même manière qu’un bébé peut apprendre deux langues en même temps, de façon naturelle et implicite, il apprend deux environnements, quel que soit leur éloignement organisationnel et quelles qu’en soit les différences, dans les limites, les cadres, les intervenants, etc.

 

 

Donc venir à la crèche représente une valeur ajoutée pour les enfants. Mais en plus, du fait de la professionnalité des personnes qui s’occupent de lui, un autre type de regard est posé sur les enfants, un autre type d’accompagnement et d’éducation aussi. Ce qui fait que la crèche représente une vraie chance pour les enfants.

 

Deux positions professionnelles sont attendues dans la pédagogie Itinérance Ludique, celle du port d’attache et celle de l’accompagnement des jeux des enfants.

 

Les professionnels sont des ports d’attache et des phares éclairant les enfants

 

Chaque professionnel doit être particulièrement stable, posé et disponible pour assurer la sécurité affective des enfants et devenir, pour ceux qui le décident un port d’attache où ils peuvent se ressourcer et d’où ils peuvent repartir rassérénés. L’important est ici, non pas de surveiller les enfants, mais de se rendre visible à eux, afin qu’ils puissent à tout moment venir auprès de l’adulte lorsqu’ils sont en mesure de se déplacer.

Ainsi si le professionnel se positionne toujours à la même place, il est particulièrement repérable par les enfants. Si de plus il est avenant et disponible, alors la magie du port d’attache opère. Les plus petits, qui ne se déplacent pas encore, doivent avoir leur port d’attache auprès d’eux. C’est-à-dire qu’au moins un professionnel est présent sur le tapis avec les enfants et des objets ludiques adaptés : le plus souvent ceux qui présentent des caractéristiques sensorielles.

 

 

Le professionnel est un phare éclairant pour les enfants

[1]

. A lui de ne pas être un phare dont la lumière est parfois éteinte, soit parce que physiquement il n’est plus là, soit parce qu’il ne sait pas éclairer lorsqu’il est présent et à sa place. Parfois les professionnels peuvent être des phares clignotants. Ils sont présents, puis se lèvent pour remplir une tâche et reviennent. Les enfants ne savent jamais à quel moment l’adulte va se lever.

De ce fait, ils ne peuvent pas anticiper. Ils cherchent en permanence l’adulte et ceux qui sont le plus en insécurité sont déstabilisés à chaque mouvement. Ils pleurent et ne jouent plus lorsque le professionnel disparait ou n’est plus disponible. Le travail des professionnels est donc d’éclairer les enfants afin qu’ils ne se perdent pas, d’être ce port où ils peuvent venir se reposer, se ressourcer par des câlins, des paroles réconfortantes, une prise dans les bras, un regard bienveillant, etc. Il est aussi celui qui lance une bouée lorsque l’enfant est en difficulté : lorsqu’il n’arrive pas à faire une action et s’énerve, lorsqu’il se dispute un objet avec un autre enfant, lorsqu’il est bousculé et tombe, etc.  

 

 

Les professionnels accompagnent les enfants

 

L’accompagnement professionnel des enfants dans les univers ludiques se situe sur deux plans :

  • Celui de l’univers lui-même, c’est-à-dire l’environnement matériel
  • Et celui des enfants, c’est à dire a manière dont le professionnel se comporte avec les enfants présents à l’univers ludique.

 

Au niveau de l’environnement, le professionnel installe l’univers ludique en délimitant l’espace de jeux par des tapis ou des modules. Les enfants doivent pouvoir franchir aisément ces délimitations ou frontières d’univers. Cela permet de contenir les enfants et de les aider à se poser à l’univers. Les enfants peuvent aussi transporter les objets en dehors de l’espace délimité. Alors, régulièrement, le professionnel les rapporte lorsque les enfants les ont abandonnés et il installe à nouveau l’univers. On dit qu’il le remet en scène, afin de le rendre attractif pour les enfants et donc leur donner à nouveau le goût de l’exploration ludique.

 

Au niveau des enfants eux-mêmes, le professionnel contribue pleinement à l’ajout de cette valeur donnée par la crèche au niveau de l’éducation des jeunes enfants.  

 

Cet accompagnement se situe :

 

  • Au niveau affectif : le professionnel montre à chaque enfant qu’il reconnait sa présence, qu’il est heureux de le voir à l’univers ludique et qu’il peut compter sur lui, car il est là pour lui. Ainsi sécurisé et pris en considération chaque enfant peut se lancer dans l’aventure ludique et l’ensemble des expérimentations rendues possibles dans les univers ludiques.

 

  • Au niveau cognitif : le professionnel observe les actions des enfants et tente de comprendre leurs créations ludiques, leurs expériences. Il les soutient de manière positive et utilise le langage pour les décrire. Ces observations peuvent aussi servir à comprendre les apprentissages des enfants, c’est-à-dire ce qu’ils cherchent à apprendre du monde par leurs expérimentations menées sur les objets comme avec les autres êtres humains.

 

  • Au niveau émotionnel : le professionnel cherche à comprendre les émotions des enfants. Il les accepte et aide les enfants à les exprimer et aussi à les dépasser, les contrôler pour ne plus être en difficulté. Nous savons aujourd’hui que les émotions interviennent grandement dans les apprentissages des enfants. Un environnement serein dans lequel leurs émotions ne sont pas niées mais accompagnées par des adultes sur lesquels ils peuvent compter contribue à créer pour chaque enfant un socle d’apprentissages de base favorable pour la suite de son développement.

 

Les interventions des professionnels

 

Les interventions des professionnels sont bienveillantes et adaptées aux situations. Les enfants doivent toujours voir principalement les yeux et la bouche des adultes, car c’est par les yeux qu’ils comprennent son état émotionnel et par sa bouche qu’ils apprennent le langage. Il faut donc être à la hauteur de l’enfant pour lui parler et adapter son visage au contenu de son discours.

Par exemple, on ne peut pas dire non à un enfant ou le réprimander sur une de ses actions, avec un grand sourire. Les yeux froncés correspondent à un mécontentement et le sourire à un contentement. Les bébés déchiffrent cela assez rapidement si le message est clair. Ensuite les mots employés doivent être simples et compréhensibles. Il n’est pas nécessaire de faire de grands discours aux enfants, ni de tout expliquer ou de tout négocier.

Quand ils sont petits les enfants comprennent ce qui est simple, ce qui revient toujours (la régularité) et ce qui est cohérent, ce qui correspond à leurs attentes, à ce qu’ils ont anticipé. Les professionnels accompagnent les enfants dans leurs jeux, ce qui ne veut pas dire qu’ils jouent avec eux ou leurs font des propositions de jeux. Ils proposent des univers ludiques dans lesquels les enfants inventent leurs jeux. Ces derniers sont les auteurs de leurs propres jeux. Le professionnel enrichit l’univers ludique en fonction des idées des enfants.

 

Faut-il jouer avec les enfants ?

 

Les professionnels sont régulièrement amenés à jouer avec les enfants, mais de manière bien spécifique, car ils doivent en priorité respecter le choix et le jeu de chaque enfant. Lorsqu’un adulte a une idée, celle-ci devient facilement celle de l’enfant, ce qui peut l’empêcher d’avoir sa propre invention ludique.

Les professionnels jouent donc avec les enfants lorsqu’ils y sont invités par eux et en faisant attention à les suivre sans jamais les précéder. Les enfants doivent être dans l’action, soutenus par les adultes, et non l’inverse. C’est ainsi qu’ils apprennent à avoir confiance en eux en dans les adultes qui s’occupent d’eux.

 

 

 

 

 




[1]

Théorie proposée par la psychologue du développement et formatrice en petite enfance Anne-Marie Fontaine