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Portrait de adminkok
Posté par adminkok le 05 juin 2019

Laurence Rameau, puéricultrice formatrice et auteure d’ouvrages sur la petite enfance, créatrice de la pédagogie Itinérance Ludique 

L’environnement présente un impact aujourd’hui avéré sur le développement du cerveau du bébé. Il doit donc être adapté et bien traitant. 

Ce que l’on sait aujourd’hui à propos du cerveau du bébé, grâce notamment aux neurosciences affectives, n’est encore que parcellaire. Mais tous les chercheurs semblent s’accorder sur un point : celui du rôle joué par l’affection et les émotions sur son développement.

 

A quoi ressemble le cerveau d’un bébé ?

En effet un bébé nait avec quelques cent milliards de neurones, c’est-à-dire presque la totalité de ces cellules spécifiques du cerveau. Le développement de son cerveau va donc résider non dans l’acquisition de beaucoup de nouveaux neurones, mais dans la multiplication des connexions synaptiques. Ce sont ces chemins qui vont se tracer entre les différents neurones pour faire passer l’information et qui correspondent donc aux apprentissages. Et c’est sur la période de la petite enfance, entre 0 et 4/5 ans que vont se faire le plus de connexions synaptiques dans tous les sens et à grande vitesse.On dit souvent que le cerveau du petit ressemble alors à une sorte d’oursin comprenant des départs multiples de chemins.

La seconde étape consiste alors en l’élagage des connexions inutiles ou inutilisées et au renforcement de celles qui sont le plus appropriées. Ainsi il est inutile pour l’enfant de conserver la possibilité de discerner les sons des langues peu entendues, autant qu’il se concentre sur celles qui sont familières pour apprendre à parler. Cette étape qui a lieu à la fin de la période du bébé et se poursuit dans la petite enfance (entre 2 et 6 ans), semble aussi très importante car il n’est pas question d’encombrer un cerveau avec des connections inutiles qui lui ferait perdre du temps ou de la place pour ce qui importe. On dit que le cerveau se spécialise, les routes creusées s’agrandissent ou se rejoignent pour former des autoroutes, sorte d’arborescence bien organisées et prêtes à recevoir et à traiter des informations sur des connaissances plus abstraites : la lecture, l’écriture, les mathématiques, etc.

 

L’impact de l’environnement sur le cerveau de l'enfant

En comprenant comment le cerveau se structure et comment s’organisent les connexions entre les synapses, on imagine assez facilement l’impact plus ou moins stimulant que peut avoir l’environnement sur ce développement. Si l’on ne parle pas à l’enfant, il aura bien plus du mal à apprendre le langage, que si on lui parle directement, qu’il peut observer le placement de la bouche de son interlocuteur et qu’il peut lui répondre en émettant à son tour des sons auxquels il aura une réponse. Ce sont bien à partir des entrées spécifiques et répétitives, formées par ses expériences sensorielles et motrices, notamment, que le petit fait ses nombreuses connexions cérébrales.

Pour autant on se rend souvent moins compte de l’importance de l’ambiance affective et émotionnelle comme facteurs favorisant ou inhibiteurs de ce développement cérébral.

Or, depuis plusieurs années maintenant, les recherches au niveau des marqueurs biologiques, les taux de sécrétions hormonales et leurs rôles associés aux observations des comportements expérimentateurs et apprenant des jeunes enfants, concordent. Ils disent ce que d’autres théoriciens comme ceux de l’attachement avaient déjà mentionné, c’est-à-dire la nécessité d’un environnement sécurisant, affectueux, et émotionnellement stable, pour protéger le cerveau des bébés et permettre les connexions.

 

Ocytocine contre cortisol

Lorsque le bébé ressent du stress, c’est-à-dire lorsqu’il subit une situation désagréable ou dangereuse, son taux de cortisol, une hormone, augmente de manière importante. Son rôle est d’aider l’organisme à faire face au stress en mobilisant l’énergie nécessaire pour nourrir les différents organes importants comme les muscles, le cœur et le cerveau et ainsi répondre à la situation de stress par un comportement adapté.

On considère donc le cortisol comme l’hormone du stress. Cette sécrétion hormonale est nécessaire pour faire face ponctuellement à une situation de stress, mais si ces situations se renouvèlent fréquemment, il s’ensuit une surproduction qui est nuisible aux connexions synaptiques.  Or le bébé a peu les moyens de répondre de façon adaptée aux situations de stress, il ne peut que pleurer et attendre d’être secouru et apaisé par l’adulte. Cet apaisement entraîne alors la sécrétion d’une autre hormone : l’ocytocine. Cette dernière est au contraire, très protectrice du cerveau et favorise les connexions synaptiques entre les neurones. Elle est particulièrement sécrétée dans les situations de réconfort ou de bien-être et de ce fait est surnommée l’hormone du bonheur.

On comprend bien ici que lorsque les situations de stress sont trop importantes, cela s’avère délétère pour le développement du cerveau des bébés et qu’au contraire nous devons mettre en place les conditions de leur protection.

 

 

Quels sont les comportements protecteurs ?

Protéger le cerveau des bébés consiste à mettre en place des comportements d’éducation et de soins en rapport avec leur compréhension du monde et leurs réactions face aux situations d’apprentissages qu’ils rencontrent.

 

 

Sécuriser affectivement un bébé

Ainsi il semble nécessaire de toujours sécuriser un bébé en situation d’insécurité affective. Car d’une part cette insécurité provoque un stress important et d’autre part le bébé doit apprendre à avoir confiance dans les adultes qui s’occupent de lui. Si ces derniers répondent de manière adaptée à sa demande affective, alors le bébé apprend à compter sur eux, ce qui diminue d’autant l’intensité des situations de stress ultérieures. Ainsi lorsqu’un bébé pleure et réclame d’être pris dans les bras par exemple, il convient de répondre à sa demande.  

A l’inverse un bébé auquel les adultes ne répondent pas ou pas correctement à une demande affective, apprend à ne compter que sur lui-même lors des situations difficiles, ce qui ajoute du stress au stress. Par exemple lorsque l’adulte interprète la demande de prise dans les bras comme un caprice et non comme un besoin.

On comprend aussi ici que le bébé doit rencontrer des situations lui permettant d’apprendre à compter sur les adultes. Ainsi, si les adultes précèdent la demande du bébé, c’est-à-dire s’ils sécurisent de manière excessive le bébé sans lui laisser le temps ou l’occasion d’explorer des situations dans lesquelles l’adulte est plus à distance, alors il ne peut pas comprendre la signification de leurs comportements. Par exemple lorsque le bébé est toujours dans les bras. 

 

Répondre de manière identique à des situations identiques

Les bébés passent leur temps à rechercher les régularités du monde dans lequel ils vivent. Ce sont ces régularités qui leur permettent de comprendre les situations et le fonctionnement du monde. Pour aider un bébé à vivre dans un monde plus compréhensible, il faut réagir de manière identique aux situations identiques. Car comprendre comment les êtres humains fonctionnent est ce qu’il y a de plus difficile pour lui. Des réactions différentes aux situations similaires créent du stress supplémentaire au petit, car dans ce cas il ne peut pas prévoir la manière dont fonctionne l’adulte qui s’occupe de lui. Il est perdu.

 

Comprendre et apprivoiser ses émotions

Les bébés ne savent ni comprendre, ni contrôler leurs émotions. Ils vivent des moments de désespoirs, de colères, de joies, d’excitation ou de terreur comme autant de montagnes russes avec des hauts et des bas très rapides, passant ainsi des rires aux larmes et inversement, sans paliers intermédiaires. C’est aussi difficile à vivre et à comprendre pour les adultes qui peuvent se tromper et étiqueter l’enfant comme capricieux ou instable, alors qu’il doit faire face à une impossibilité de gestion de ses propres pics émotionnels.

Il a besoin d’avoir en face de lui des personnes qui le comprennent et non qui ajoutent un stress supplémentaire à son état et lui demandent un contrôle qu’il ne peut exercer ou qui se fâchent par contamination.  Il faut donc accepter qu’un enfant frustré par un refus pleure et ait du mal à s’arrêter sans le concours bienveillant de l’adulte. Et il trouve le moyen de lui fournir cette aide, même si sa frustration vient de son propre refus qui, lui, doit être maintenu.

 

Donner des gestes d’affection

Nous savons aujourd’hui que les gestes d’affection provoquent la sécrétion de l’hormone antistress, la fameuse ocytocine. De ce fait, bercer, consoler, caresser, embrasser et dire des mots doux à un bébé est particulièrement protecteur pour son cerveau.

Fut un temps, certains ont pensé que cela amoindrissait les capacités d’endurcissement des petits et risquait, soit de les amoindrir, faute d’expériences leur permettant de s’endurcir, soit de les rendre capricieux, faute de les laisser pleurer. Or, c’est tout le contraire. La tendresse, l’empathie et les réponses adaptées à leurs besoins sécurisent les petits et apaisent leurs tensions et leur stress, les rendant plus aptes à explorer leur environnement et à apprendre. Un bébé apprend le monde qui lui est donné, mais il l’apprend avec plus de facilité s’il est entouré d’affection.

 

Bannir les violences éducatives

Ce n’est ni une mode du 21ème siècle, ni la porte ouverte à une éducation permissive, mais un fait aujourd’hui avéré que la non-violence éducative est favorable au développement des petits, à leur bien-être et à leurs apprentissages. Car il est montré que toute forme de violence, que ce soit les claques ou les fessées, les cris ou les humiliations, provoque un arrêt des connexions cérébrales qui conduit l’enfant à cesser de penser, tétanisé par la peur. L’autorité n’est pas la violence.

Le petit a besoin de croire en l’amour inconditionnel des adultes qui s’occupent de lui et aussi en leurs capacités de fermeté et de protection. La transformation d’un adulte vénéré en monstre qui frappe et qui crie est un véritable traumatisme pour l’enfant. Et ces traumatismes modifient l’organisation de leur cerveau de manière durablement défavorable.

 

Il faut donc protéger le cerveau des bébés, justement à cette période de leur vie où se font le plus de connexions synaptiques et donc d’apprentissages.