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Laurence Rameau, puéricultrice formatrice et auteure d’ouvrages sur la petite enfance, créatrice de la pédagogie Itinérance Ludique
L’un des atouts de la crèche est d’offrir un environnement ludique aux petits. De nombreux univers leur permettent d’expérimenter.
Les petits enfants, les bébés jouent, c’est bien connu. Mais pourquoi jouent-ils, dans quels buts et quelles activités ludiques leur proposer pour leur permettre de bien jouer ? Corrigeons déjà une erreur que nombre d’entre nous risquons de faire. Les enfants ne jouent pas POUR apprendre. Ils n’ont pas cette intention. Pour autant, c’est bien PARCE QU’ils jouent qu’ils apprennent. Le plaisir du jeu est le moteur de tous les apprentissages des plus petits.
Leur jeu correspond à l’exploration du monde physique, de ses caractéristiques et des relations entre les différents éléments qui le composent, que ce soit les objets ou les êtres vivants, dont les humains évidement. Jouer a donc une valeur d’apprentissage unique et incontournable en petite enfance. Mais penser que nous devons faire jouer les jeunes enfants est une autre erreur, car leurs jeux, ceux dont ils sont les auteurs, sont les seuls qui correspondent réellement à ce qu’ils sont en mesure et en train d’apprendre.
Nous devons donc adopter la pédagogie du jardinier, bien plus que celle du menuisier lorsqu’il s’agit de jeunes enfants. En effet, alors qu’un menuisier va construire selon de plans bien établis et en mettant un petit coup de rabot par ici ou de scie par-là, le jardinier va, quant à lui, bien préparer sa terre, l’enrichir, mettre un tuteur éventuellement et arroser quotidiennement sa plante.
C’est ce que les professionnels font à la crèche. Ils créent l’environnement qui doit permettre à chaque enfant de bien pousser, dans une bonne terre, avec des tuteurs souples et un arrosage quotidien. C’est dans cette terre, dans cet environnement que les enfants trouvent de quoi créer leurs jeux. Il n’y a donc pas de plans établis, de productions ou d’objectifs attendus, comme savoir coller des gommettes dans un cercle à deux ans ou savoir chanter une chanson en langue étrangère. Il n’y a pas de petits coups de rabots bien placés comme des cours d’anglais ou de yoga au cours desquels l’adulte demande aux enfants un comportement ou une action spécifique correspondant à ses propres attentes.
Mais il y a des univers ludiques avec des activités de motricité, d’expression, de manipulation, de construction ou d’imitation qui permettent aux enfants de jouer, tout simplement. Et à travers leurs jeux, ils vont faire leurs apprentissages, ceux qui sont en rapport avec leur développement et leurs capacités. Ceux dont nous savons qu’ils vont venir, mais pas vraiment à quel moment, comme la plante qui pousse plus ou moins vite, à son rythme.
Donc à la crèche, parents, n’attendez pas que votre enfant suive une formation plus ou moins accélérée en pâte à sel ou en crayonnage, pas plus qu’en anglais ou en yoga…Mais soyez assurés qu’il va jouer et qu’il va apprendre. Et ce grâce aux professionnels, ces jardiniers de la petite enfance qui vont lui créer, à lui et aux autres enfants, un jardin riche, dans lequel bien grandir. Et que va-t-il trouver dans ce jardin ?
Plus un objet est multimodal, c’est-à-dire qu’il fait appel à plusieurs modalités sensorielles (l’ouïe, l’odorat et le toucher par exemple), plus le bébé s’y intéresse. Il le manipule, le porte à la bouche et en découvre ainsi l’ensemble de ses caractéristiques physiques et de ses possibilités. Il s’agit d’une découverte concrète qui, si elle est soutenue par les adultes qui sont au côté du bébé, devient une aventure sensorielle parfaite, puisqu’humainement interactive, ce qui est le plus stimulant pour le bébé.
Des parcours de motricité permettant aux enfants de se mouvoir sur des terrains à obstacles en lien avec les différentes manières de se déplacer et de comprendre comment placer son corps pour avancer, sauter, courir, pédaler, grimper, etc. Ce sont des exercices qui soutiennent l’apprentissage moteur.
Le propre des matières est de se transformer sous l’action humaine. De ce fait cela intéresse particulièrement le bébé qui n’a de cesse que de chercher à comprendre la notion d’action/réaction du monde dans lequel il vit. Ainsi l’eau coule entre les doigts et les passoires alors que la terre ou la pâte à sel fait des creux et des bosses, et la semoule est insaisissable mais moins que l’eau…Les transvasements que les enfants actionnent dans ces univers leur servent aussi à évaluer les volumes et les grandeurs, ainsi que l’opposition entre contenu et contenant.
Revivre avec des poupées ce qui se passe dans leur vie et avec leur propre corps. Conduire des petites voitures comme celle de leurs parents, jouer avec des animaux symbolisant ceux qu’ils rencontrent ou encore jouer à faire une piqûre comme chez le docteur ou à soigner, laver, faire à manger, voilà ce que sont les jeux symboliques ou d’imitation. Ils permettent aux bébés d’apprendre comme fonctionne cette vie de tous les jours en leur offrant la possibilité de la rejouer à leur guise. Ainsi, ils la comprennent et la contrôlent mieux, dépassent éventuellement certaines difficultés et se préparent à devenir eux-mêmes de futurs acteurs de cette vie.
Assembler des objets entre eux permet de fabriquer des outils, ce que les êtres humains font depuis le début de leur évolution. Le bébé humain est « programmé » en ce sens. Il assemble, construit, déconstruit, recommence encore et toujours, sans forcément avoir de but, mais pour comprendre que les objets entre eux forment de nouvelles structures différentes ou identiques. Ainsi il tri, apparie, rassemble, transporte ailleurs, et recommence. Il forme alors concrètement son esprit à recevoir ce qui sera, plus tard, des savoirs bien plus abstraits comme les mathématiques, ou la grammaire.
Le bébé communique dès la naissance, et sans doute avant aussi. Il entre très vite en interaction par le regard, puis les mimiques, les gestes, les pleurs et les cris. Il s’exprime, parfois même bien davantage que ce que nous souhaitons. Baigné dans le langage parlé que nous utilisons pour communiquer avec lui, il va petit à petit sélectionner les sons qui reviennent le plus souvent, les apparier aux autres sons pour former des mots, puis des phrases. Il apprend et comprend le langage parlé bien avant de parler lui-même.
C’est pourquoi les univers ludiques qui offrent des possibilités de jeux où l’enfant écoute, s’exprime, regarde, mime, bouge et utilise des objets de communication divers et variés sont indispensables. Ce sont bien évidement les livres, mais aussi les chansons, les danses, les marionnettes, les spectacles, la musique, etc. Sans oublier la peinture et tout ce qui touche à la création, car pour le petit, cette dernière représente une forme d’expression.
Voilà l’ensemble des types d’activités ludiques qui seront proposées à vos enfants à la crèche, de cette manière et pour faire ces apprentissages décrits. C’est beaucoup ! Pourquoi ajouterions-nous des activités plus scolaires ? Dans quel but autre que d’aller plus vite, trop vite et d’oublier qu’ils sont petits et que seuls leurs jeux permettent leurs apprentissages, formant une sorte de base sur laquelle ils pourront s’appuyer, pour toujours, car leurs racines seront alors assez profondes et solides.