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De façon innée, les bébés sont particulièrement attirés par les visages, et, au bout de quelques mois de vie, ils arrivent à différencier et à mémoriser les traits distinctifs et les caractéristiques de ceux qu’ils rencontrent régulièrement, c’est-à-dire les visages des personnes qui s’occupent fréquemment d’eux. Ainsi, un visage que les bébés rencontrent trop peu souvent devient pour eux un visage inconnu. Certains en auront peur, d’autres seront juste moins à l’aise, d’autres encore seront étonnés. Tous les bébés ne réagissent pas de la même manière, mais ce qui est commun à tous, réside dans le fait qu’ils se sentent mieux sécurisés avec les personnes qui répondent le plus souvent à leurs besoins primaires, celles qui les nourrissent, les réchauffent, les changent, leurs font des câlins, etc. Les personnes qu’ils côtoient et qui s’occupent d’eux.
Sur les visages des personnes connues, les bébés apprennent petit à petit à découvrir et comprendre les différentes expressions, les émotions, même s’ils ne font pas encore de liens avec leurs propres ressentis. Un visage expressif est une source de bonheur et d’informations importantes pour un bébé et le pire serait pour lui un visage sans émotion, sans expression, un visage inerte. Des expériences, qui seraient sans doute interdites aujourd’hui puisque nous en connaissons maintenant la portée, ont montré la détresse des bébés lorsqu’il était demandé à leur mère de se figer devant leur enfant. Les bébés cherchaient alors par tous les moyens à « réveiller » le visage maternel avant de désespérer et le fuir du regard, en situation de stress intense. Le retour à la normale était assez long après que les mères retrouvaient enfin un visage expressif, révélant un vrai traumatisme.
Dans un visage tourné vers lui, ce sont les yeux qui subjuguent en premier un bébé. Ils sont attractifs par leur forme ronde, par le contraste qu’ils présentent entre l’iris coloré et le fond blanc de la sclérotique et surtout, par le fait qu’ils sont en mouvement permanent. Le bébé comprend vite que ce mouvement correspond aussi à l’indication d’une direction. Il est donc en premier attiré par des yeux qui le regardent, on dit qu’il « attrape le regard » de l’autre, souvent même dès la naissance, à tel point qu’il est difficile pour l’adulte de s’extraire de la relation d’œil à œil. Une fois que le bébé a attrapé le regard de l’autre, il est capable de tourner la tête pour effectuer une poursuite du regard. Ensuite, il détecte les intentions et donne du sens à la direction du regard, il tourne la tête vers ce que l’adulte regarde. L’orientation du regard du bébé peut s’interpréter comme une sorte de pointage conjoint qui est à la base de la compréhension des intentions d’autrui, ce que le bébé fera plus tard.
Même si l’accroche du regard représente ce qu’il y a de plus important dans une relation entre un adulte et un bébé, il n’est pas perçu par l’enfant de façon si isolée. Avec le regard, les mouvements, l’expression du visage et la voix de l’adulte qui s’occupe de lui forment un tout. L’adulte est un être vivant, multimodal : il bouge, parle, regarde, sourit, produit des mimiques, etc. C’est pour cette raison qu’il a tant de succès auprès d’un bébé qui s’intéresse alors particulièrement à lui.
Et cela est réciproque, car l’adulte intéressé par un bébé se sert de façon naturelle d’une arme secrète capable de susciter à son tour l’intérêt du bébé : il utilise un drôle de langage : le mamanais. Il répète les mots plusieurs fois, il articule plus et parle plus lentement, il parle avec une tonalité plus aiguë en exagérant la fin des phrases, comme s’il posait une question et introduit un silence après ses phrases, laissant supposer qu’il attend une réponse de la part du bébé. C’est une sorte de langage standard utilisé par tous, sans s’en rendre compte, dès qu’on s’adresse à un bébé. Les chercheurs l’ont appelé « mamanais », en référence à la maman mais, homme comme femme, père comme mère, avec ou sans expérience avec des tout-petits, nous parlons tous le mamanais naturellement sans avoir besoin de l’apprendre. Et cela tombe bien car c’est le style de langage le plus identifiable par le bébé, celui auquel il est le plus sensible.
De ce fait, un adulte se mouvant auprès d’un bébé est « l’objet » le plus intéressant de son monde, d’autant plus s’il se met à le regarder, à lui parler et à le toucher. Nous pouvons alors dire que l’environnement le plus sécurisant, le plus attractif et le plus passionnant au niveau relationnel et communication pour un bébé, ce sont les bras de l’adulte !
Les interactions sociales entre un bébé et son entourage fonctionnent comme les musiciens d’un orchestre. Ils doivent avoir les mêmes partitions, s’accorder ensemble, conserver le même rythme, jouer à leur tour et éviter les fausses notes. Alors il est possible que cela devienne une belle symphonie. Ainsi, les premières interactions sociales se font par l’accordage entre un bébé et les personnes qui s’occupent de lui. On appelle cela la synchronisation : il y des échanges de regard, d’affects ou de paroles dans lesquels on retrouve toujours des alternances entre le bébé et son « partenaire » de relation. Le bébé tête le sein ou le biberon, puis s’arrête, l’adulte intervient à ce moment et lui parle ou le stimule d’une certaine façon, par exemple en lui caressant la joue, le bébé reprend son tour et recommence à téter. Dès le début cette synchronisation des échanges avec la notion de tour de rôle existe. Elle va ensuite devenir la norme des échanges et se retrouver dans des scénarios de plus en plus élaborés autour des jeux : comme celui du « coucou » où le parent appelle le bébé en se cachant les yeux puis ouvre ses mains brusquement en disant « me voilà », entraînant le rire du bébé. Ce jeu devient une ritualisation des échanges entre le parent et son bébé. Chacun attend de l’autre la suite : le bébé anticipe de revoir le visage souriant de son parent, et ce dernier attend que son bébé rit, la symphonie se joue alors. C’est ce qui permet au bébé de comprendre les intentions des adultes. Il établit un lien de cause à effet entre l’action produite et la réponse de l’adulte. Il comprend par exemple que s’il tend la main vers un objet et que l’adulte le lui donne, alors il existe un lien de causalité entre le pointage vers l’objet et la réaction de l’adulte. Si l’adulte se trompe et donne un autre objet, il s’agit d’une fausse note, le bébé peut pleurer pour signifier qu’il faut se réaccorder. Si l’adulte ne comprend pas, il pleure de plus belle et si l’objet est donné bien trop tard par rapport au pointage, alors il ne peut plus faire le lien entre l’action et l’objet.
A partir de ses nombreuses expériences de relation avec les adultes, à partir des attitudes de ces adultes envers lui, le bébé organise le monde relationnel dans lequel il vit. Un bébé auquel le parent répond le plus souvent de façon très ajustée, attend des adultes une réponse rapide. Mais un bébé auquel le parent ne répond pas rapidement ou de façon moins ajustée, ne s’attend pas à avoir une réponse rapide. Il n’y a pas ici de notion de jugement sur ce qu’il convient de faire, juste le fait que chaque bébé s’accorde à son entourage et comprend ensuite qu’il peut obtenir des réponses différentes selon son environnement. Il ne reçoit pas les mêmes réponses et n’établit pas les mêmes relations à la maison avec ses parents, ou à la crèche. Il sait très tôt faire cette différence, grâce à son puissant logiciel de comparaison et de statistiques et n’attend donc pas les mêmes réactions des adultes. De ce fait, il se comporte aussi différemment en fonction d’où il se trouve : ce n’est pas tout à fait le même bébé selon qu’il est à la crèche ou chez ses parents. En cela, fréquenter un mode d’accueil représente pour le bébé une chance supplémentaire d’apprendre des relations différentes avec d’autres personnes, comme s’il apprenait plusieurs langues en même temps. Il est même faux de penser qu’un bébé se comporte à l’identique dans des environnements différents : il intègre les différences et s’y adapte. Par exemple, il est possible qu’il mange seul à la crèche, alors qu’il attend toujours d’être nourri chez lui. En cela, il a compris qu’à la crèche les adultes doivent s’occuper de plusieurs enfants et l’incitent, de manière plus ou moins explicite, à développer son autonomie, alors qu’à la maison il est encore le bébé dépendant de ses parents. Mais que les parents prévoient de faire comme à la crèche n’a pas forcément d’intérêt, tant le bébé a encore besoin de cette relation qui ne repose pas seulement sur le nourrissage mais aussi grandement sur l’affectif.
La communication établie entre le bébé et son entourage est un système dynamique dans lequel les uns et les autres participent à la création des échanges. Ces derniers s’établissent en priorité autour des objets ludiques. L’intérêt commun pour le jouet, les offrandes de type : je te donne le jouet, puis tu me le redonnes, les postures et les mimiques de chacun, sont des représentations des tours de paroles, prémices des codes rencontrés plus tard dans la conversation. Elles représentent les apprentissages précoces et implicites de la maîtrise de l’outil de communication : regarder l’autre, la main tendue lui offrant un objet acte la demande de participation à une interaction autour d’un même centre d’intérêt. Le bébé utilise ce nouvel apprentissage avec les adultes et aussi les autres enfants, les autres bébés de la crèche par exemple. Or, avec ces derniers cela est beaucoup moins simple qu’avec des adultes qui décodent plus facilement ses intentions.
Cet article a été rédigé par Laurence Rameau.
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